Prérequis
Résumé
Les transformations du plan classiques, à savoir les symétries, rotations, translations et homothéties, peuvent être très utiles dans la résolution d'un problème. Les homothéties permettent notamment de montrer des résultats a priori bien compliqués, comme l'existence de la droite d'Euler et du cercle d'Euler dans un triangle.
Ce chapitre a été
écrit par N. Radu et
mis en ligne le 20 avril 2016.
1. Isométries
Une
transformation du plan est, comme son nom l'indique, une transformation particulière que l'on peut appliquer aux objets dans le plan. Il existe plusieurs types de transformations du plan, et nous nous penchons d'abord sur les plus connues : les rotations, translations et symétries orthogonales. Dans cette section, tous les angles seront
orientés.
Rotations
Étant donné un point
O du plan et un angle
α∈[0,2π[ (en radians), on peut considérer la
rotation de centre O et d'angle α. Intuitivement, il s'agit de faire tourner le plan autour de
O, d'un angle
α. Plus précisément et par définition, l'image d'un point
P par la rotation de centre
O et d'angle
α est l'unique point
P′ tel que
|OP′|=|OP| et
^POP′=α (en angles orientés, de sorte qu'il n'y ait qu'un seul tel point et non deux).
Sur la figure suivante,
P′ et
Q′ sont les images respectives de
P et
Q par rotation de centre
O et d'angle
α=45∘. Pour trouver
P′ et
Q′, on voit qu'il suffit de faire tourner
P et
Q autour de
O avec un angle de
45∘.
Les rotations ont une propriété fondamentale : ce sont des isométries.
Propriété
Une rotation est une isométrie, c'est-à-dire une transformation qui préserve les longueurs. Autrement dit, si P′ et Q′ sont les images de deux points P et Q par une même rotation, alors |P′Q′|=|PQ|.
Il existe un type de rotation particulier : les symétries centrales. Étant donné un point
O, la
symétrie centrale de centre O est un autre nom pour la rotation de centre
O et d'angle
π (c'est-à-dire
180∘). La symétrie centrale est plus facile à définir : l'image du point
P par la symétrie centrale de centre
O est juste le point
P′ tel que
O soit le milieu de
[PP′]. Le point
P′ est alors le
symétrique de P par rapport à O.
Translations
Étant donnés deux points
X et
Y du plan, on peut considérer la
translation appliquant X sur Y. Intuitivement, il s'agit de faire glisser le plan de sorte à ce que
X devienne
Y. Plus précisément, l'image d'un point
P par la translation appliquant
X sur
Y est l'unique point
P′ tel que
→PP′=→XY. Pour ceux ne connaissant pas la notion de vecteurs, cela signifie simplement que la flèche reliant
P à
P′ doit être exactement la même (c'est-à-dire de même longueur, direction et sens) que celle reliant
X à
Y.
Sur la figure suivante,
P′ et
Q′ sont les images respectives de
P et
Q par la translation appliquant
X sur
Y.
Propriété
Une translation est une isométrie.
Symétries orthogonales
Étant donnée une droite
d du plan, on peut considérer la
symétrie orthogonale d'axe d. Intuitivement, on peut penser à
d comme à un miroir. Par définition, l'image d'un point
P par la symétrie orthogonale d'axe
d est l'unique point
P′ tel que
PP′ est perpendiculaire à
d et le milieu de
[PP′] se trouve sur
d. On dit que
P′ est le symétrique de
P par rapport à l'axe
d.
Sur la figure suivante,
P′ et
Q′ sont les images respectives de
P et
Q par la symétrie orthogonale d'axe
d.
Propriété
Une symétrie orthogonale est une isométrie. De plus, si P′ est l'image de P par une symétrie orthogonale, alors P est l'image de P′ par cette même symétrie.
Propriétés
Les rotations, translations et symétries orthogonales partagent un grand nombre de propriétés, du fait que ce sont des isométries.
Propriétés des isométries
Les isométries conservent :
- la longueur des segments (par définition d'isométrie) : |P′Q′|=|PQ|;
- l'amplitude des angles : ^P′Q′R′=^PQR;
- l'alignement des points : si P, Q et R sont alignés, alors P′, Q′ et R′ sont alignés (c'est un cas particulier du point 2);
- le parallélisme des droites : si PQ et RS sont parallèles, alors P′Q′ et R′S′ sont parallèles;
- la perpendicularité des droites : si PQ et RS sont perpendiculaires, alors P′Q′ et R′S′ sont perpendiculaires (cas particulier du point 2);
- le milieu d'un segment : si M est le milieu de [PQ], alors M′ est le milieu de [P′Q′] (conséquence des points 1 et 3);
- le périmètre et l'aire des figures.
- ...
Certaines isométries ont des propriétés supplémentaires, qui découlent généralement de leur définition. On a par exemple que l'image d'une droite par une translation ou par une symétrie centrale est une droite qui lui est parallèle.
Classification des isométries
Comme vu plus haut, les rotations, translations et symétries orthogonales sont des isométries. En fait, il s'agit des seules isométries du plan (à une petite exception près) !
Classification des isométries du plan
Soit
f une isométrie du plan, c'est-à-dire une fonction
f:R2→R2 qui est une bijection et qui préserve les longueurs.
- Si f a trois points fixes non-alignés, alors f est l'identité.
- Si f n'est pas l'identité et a au moins deux points fixes A et B, alors f est la symétrie orthogonale d'axe AB.
- Si f a un unique point fixe A, alors f est une rotation de centre A.
- Si f n'a pas de point fixe, alors:
- soit f est une translation,
- soit f est la composée d'une symétrie orthogonale et d'une translation de vecteur parallèle à l'axe de symétrie.
2. Homothéties
Les homothéties sont d'autres transformations du plan classiques, mais qui ne sont (généralement) pas des isométries.
Définition
Étant donné un point
O du plan et un réel non-nul
k, on définit l'
homothétie de centre O et de rapport k. Intuitivement, lorsque
k>1 cela consiste à zoomer la figure sur le point
O (et plus
k est grand, plus on zoome). Si
0<k<1 alors il s'agit plutôt d'un dézoom de la figure, toujours centré en le point
O. Le cas où
k<0 est un peu plus particulier : nous en discuterons plus bas.
Définissons d'abord l'homothétie de façon rigoureuse. L'image d'un point
P par l'homothétie de centre
O et de rapport
k est l'unique point
P′ tel que
→OP′=k⋅→OP. Pour ceux ne connaissant pas les vecteurs, cela revient à dire la chose suivante :
- Si k>0, alors P′ est le point de la droite OP du même côté de O que P et tel que |OP′|=k⋅|OP|.
- Si k<0, alors P′ est le point de la droite OP du côté opposé de O que P et tel que |OP′|=|k|⋅|OP|.
Sur la figure suivante,
P′ et
Q′ sont les images respectives de
P et
Q par l'homothétie de centre
O et de rapport
2.
Sur la figure suivante,
P′ et
Q′ sont les images respectives de
P et
Q par l'homothétie de centre
O et de rapport
−2.
On remarque qu'appliquer une homothétie de centre
O et de rapport
k avec
k<0 revient exactement à effectuer une homothétie de rapport
|k| puis une symétrie centrale.
Propriétés
Mis à part lorsque
k=±1, on voit qu'une homothétie de rapport
k n'est pas une isométrie. Les homothéties ont toutefois des propriétés similaires aux isométries.
Propriété des homothéties
Une homothétie de rapport
k :
- multiplie les longueurs par |k| : |P′Q′|=|k|⋅|PQ|;
- conserve l'amplitude des angles;
- conserve l'alignement des points;
- conserve le parallélisme des droites;
- conserve la perpendicularité des droites;
- conserve le milieu d'un segment;
- multiplie les périmètres des figures par |k| et les aires des figures par k2;
- envoie toute droite sur une droite parallèle.
- ...
3. Utilisation
Lorsque l'on est en présence d'un problème de géométrie, appliquer à tout le plan une transformation du type rotation, translation, symétrie orthogonale ou homothétie n'a pas réellement d'intérêt. En effet, une telle transformation revient juste à faire tourner la figure, la bouger ou zoomer dessus, mais cela ne va bien sûr aucunement aider à résoudre le problème.
Pour illustrer la manière dont une telle transformation peut se révéler utile, considérons le problème suivant.
Solution
Cette figure contient beaucoup d'angles de 60∘, et pour cette raison il est naturel de songer à utiliser une rotation de 60∘ autour de A. Regardons les images de certains points de la figure sous une rotation de 60∘ (de sens trigonométrique) autour de A. On voit que l'image de C est exactement B, l'image de E est exactement D et l'image de G est exactement F. Du coup, comme une rotation est une isométrie, elle préserve les angles et on obtient directement que ^BDF=^CEG ! En fait, on a même que les triangles BDF et CEG sont isométriques.
Il aurait bien sûr été possible de montrer, sans utiliser de rotation, que les deux triangles
BDF et
CEG sont isométriques. Cela aurait cependant été beaucoup plus laborieux, et remarquer qu'il existe une rotation envoyant certains points sur d'autres points a ici permis de conclure très rapidement.
Cette technique peut bien sûr être utilisée avec les autres transformations du plan.
4. Droite d'Euler
Dans un triangle
ABC, les quatre points particuliers les plus fréquemment étudiés sont le centre du cercle circonscrit
O, le centre du cercle inscrit
I, l'orthocentre
H et le centre de gravité
G. Il s'avère en fait que les points
O,
H et
G sont toujours alignés, et la droite qu'ils forment s'appelle la
droite d'Euler. (Si le triangle est équilatéral, les trois points sont confondus et il n'y a donc pas de droite d'Euler). Plus précisément, on a le résultat suivant. La démonstration de ce résultat est aussi intéressante que le résultat lui-même, car elle fait intervenir une homothétie et donne donc un autre exemple d'utilisation des transformations du plan.
Théorème (droite d'Euler)
Soit ABC un triangle, O son centre du cercle circonscrit, H son orthocentre et G son centre de gravité. Alors H, G et O sont alignés dans cet ordre (c'est-à-dire que G∈[OH]) et |HG|=2⋅|GO|.
Démonstration
Sur le dessin ci-dessous, les points
M1,M2,M3 sont les milieux des trois côtés et les points
H1,H2,H3 sont les pieds des trois hauteurs.
Considérons l'homothétie
h de centre
G et de rapport
−12. Puisque
G se trouve au tiers de chaque médiane, l'image de
A par
h est
M1, l'image de
B est
M2 et l'image de
C est
M3.
L'homothétie
h envoie donc la hauteur
AH1 sur une droite passant par
M1 et qui lui est parallèle. Comme
AH1 est perpendiculaire à
BC, cette image doit donc également être perpendiculaire à
BC et il ne peut donc s'agir que de la médiatrice de
[BC]. De la même manière, l'image par
h de
BH2 est la médiatrice de
[AC] et l'image de
CH3 est la médiatrice de
[AB]. L'intersection
H des trois hauteurs est donc envoyée par
h sur l'intersection des trois médiatrices, à savoir
O.
On en déduit directement que
H,
G et
O sont alignés et que
|GO|=12⋅|GH|.

5. Cercle d'Euler
Le
cercle d'Euler d'un triangle, aussi appelé
cercle des neufs points est le cercle dont l'existence est assurée par la proposition suivante. Nous conseillons vivement au lecteur d'essayer de comprendre sa démonstration, qui fait à nouveau intervenir des homothéties.
Existence du cercle d'Euler
Théorème (cercle d'Euler)
Soit ABC un triangle, M1,M2,M3 les milieux des côtés [BC], [CA] et [AB], H l'orthocentre de ABC, et H1,H2,H3 les pieds des hauteurs relatives à A, B et C. Il existe un unique cercle passant par M1,M2,M3,H1,H2,H3 ainsi que les milieux de [HA], [HB] et [HC]. Ce cercle est appelé le cercle d'Euler de ABC, et son centre se situe sur la droite d'Euler de ABC.
Démonstration
Considérons tout d'abord l'homothétie
hG de centre
G et de rapport
−12. Nous avons déjà vu dans le point théorique précédent que
hG envoie
A,
B et
C sur
M1,
M2 et
M3 respectivement, ainsi que
H sur
O, le centre du cercle circonscrit à
ABC. En particulier, le cercle circonscrit
Γ à
ABC a pour image le cercle circonscrit à
M1M2M3. Notons ce dernier cercle
C. Celui-ci passe par
M1,
M2 et
M3 et on sait déjà que son centre
E est l'image de
O par l'homothétie
hG. Cela signifie que
E se situe sur la droite d'Euler, et on sait même que
|EG|=12⋅|GO| (avec
G∈[OE]).
(1)
Nous devons à présent montrer que le cercle
C contient également les six autres points mentionnés dans l'énoncé. Avant cela, remarquons la chose suivante. Notons
B′ le symétrique de
B par rapport à
O. Comme
O est le centre de
Γ, il est clair que
B′∈Γ. De plus, l'image du segment
[BH] par
hG est le segment
[M2O]. Cela signifie que, dans le triangle
B′BH, le segment
[M2O] est le segment reliant les milieux de deux côtés. Il en découle que
M2 est le milieu de
[B′H]. Nous venons donc de montrer que le symétrique de
H par rapport à
M2, qui n'est autre que
B′, appartient à
Γ. De manière similaire, on trouve en fait que les symétriques de
H par rapport aux trois milieux
M1,M2,M3 sont tous sur
Γ.
(2)
Considérons à présent l'homothétie
hH de centre
H et de rapport
12. Nous venons en fait juste de prouver que l'image de
B′ par
hH est
M2. De la même manière,
M1 et
M3 sont les images par
hH de deux points du cercle
Γ. Il en découle que
C est l'image de
Γ par
hH. (À noter qu'on a déjà vu que
C était l'image de
Γ par
hG qui est une toute autre homothétie ! Tout cela est plutôt magique.) Comme les images de
A,
B et
C (qui se situent sur
Γ) par
hH sont les milieux respectifs de
[AH],
[BH] et
[CH], on en déduit que ces milieux se trouvent sur
C.
Enfin, notons
I2 la deuxième intersection de
BH avec
Γ. Comme
[BB′] est un diamètre de
Γ, le triangle
BI2B′ est rectangle en
I2. Il s'ensuit que
B′I2 est parallèle à
AC. Comme
M2 est le milieu de
[B′H], cela signifie que
[M2H2] est le segment joignant les milieux de deux côtés du triangle
HB′I2 et donc en particulier que
H2 est le milieu de
[HI2]. Les symétriques de l'orthocentre par rapport aux côtés se trouvent donc tous sur
Γ, ce qui est à nouveau un résultat remarquable
(3). L'image de
I2 par
hH est donc exactement
H2, et cela implique que
H2∈C. De la même manière, on trouve que
H1 et
H3 se situent sur
C.

Propriétés annexes
Au cours de la preuve précédente, certains résultats annexes sont apparus (dont les énoncés ne font pas toujours intervenir le cercle d'Euler, ce qui les rend donc peut-être d'autant plus intéressants). Nous les mettons à nouveau en évidence ici (voir
(1),
(2) et
(3) dans la preuve pour les démonstrations).
Autres propriétés
- La droite d'Euler contient le centre du cercle d'Euler, et on a |OG|=2⋅|GE| (avec G∈[EO]).
- Les trois symétriques de l'orthocentre par rapport aux milieux des côtés se trouvent sur le cercle circonscrit.
- Les trois symétriques de l'orthocentre par rapport aux côtés se trouvent sur le cercle circonscrit.
À noter que l'on peut retenir les points 2 et 3 en retenant simplement que le cercle d'Euler est l'image du cercle circonscrit par l'homothétie de centre
H et de rapport
12. Comme les milieux des côtés et les pieds des hauteurs sont sur le cercle d'Euler, ces résultats en découlent.
Théorème de Feuerbach
Le cercle d'Euler a également la propriété d'être tangent intérieurement au cercle inscrit et tangent extérieurement aux trois cercles exinscrits au triangle. Ce résultat est appelé
théorème de Feuerbach, et les quatre points de tangence sont appelés les
points de Feuerbach.